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Retrouvez tous les épisodes de la série « Tattoo & Moi » ici
« Sur mon poignet gauche, une délicate branche de fleurs m’a permis de clôturer une période de ma vie difficile, de mettre de la poésie et de la beauté sur une cicatrice laissée par une tentative de suicide. Je suis une rescapée du Bataclan. Le 13 novembre 2015, j’étais venue assister, avec mon petit ami de l’époque, au concert des Eagles of Death Metal. J’avais 26 ans, je venais de m’installer à Paris, où j’avais trouvé mon premier emploi chez un fabricant de dispositifs médicaux. Nous étions dans la fosse, mais nous avons réussi à sortir de la salle de concert par l’issue de secours, sous les tirs des terroristes. Je n’ai pas été blessée physiquement, mon ami, lui, s’est pris une balle dans le genou et dans le talon, mais il a survécu.
Trois semaines après le Bataclan, j’ai repris mon travail et ma vie comme s’il ne s’était rien passé. J’ai jugé que je n’avais pas besoin de soutien psychologique, ce qui, avec le recul, était une erreur. Je n’ai pas pris contact avec les associations de victimes, car je ne me considérais pas comme telle. Je n’avais rien eu, en comparaison de ceux qui avaient perdu famille ou amis, avaient été gravement blessés ou étaient désormais handicapés. Pendant deux ans, j’ai tout fait pour tourner la page et oublier cette tragédie. Mais en 2017, deux ans après les attentats, une rupture amoureuse a fait remonter les traumas enfouis. Mon ex m’a trouvée dans ma baignoire les deux poignets tailladés. Je voulais mourir.
Ma reconstruction s’est faite petit à petit, au cours d’un long processus de suivi thérapeutique, qui m’a permis d’apprendre à vivre avec ces événements et à les dépasser. Je me suis mariée et j’ai eu une petite fille, en 2023. A sa naissance, l’idée du tatouage s’est imposée, pour marquer le coup de cette résilience, de cette nouvelle vie que j’avais réussi à construire. Mais il a fallu encore plusieurs mois pour que je saute le pas.
Je viens d’un milieu familial qui est très éloigné de l’univers du tatouage. Comme une ado qui a fait une bêtise, je l’ai pendant un certain temps caché à mes parents, qui l’ont découvert par hasard, un soir. Dans mon entourage, seuls mon mari et deux amis proches, eux-mêmes tatoués, étaient dans la confidence.
En surfant sur Instagram, j’ai découvert le style d’Eva Edelstein, des motifs floraux très fins et en couleur. Sur son compte Eva_tattooist, l’artiste avait organisé un tirage au sort, j’ai tenté ma chance et j’ai gagné un tatouage. J’y ai vu un signe. En janvier, après avoir hésité jusqu’au dernier moment, entre excitation et peur de la douleur, je me suis lancée sur un seul poignet, le gauche, mais j’aurais pu choisir le droit.
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